UPR 2019 à Genève 

La revue périodique universelle des Nations-Unies sur la situation des droits de l’homme au Vietnam s’est déroulée

le mardi 22 janvier 2019 à Genève

Récit par Mai Duong Hai,

Représentant de la communauté catholique

vietnamienne de Suisse

Pour les membres de la Commission des Droits de l’homme de l’ONU, l'URP est un évènement normal alors qu’elle revêt pour les Vietnamiens présents à Genève ce jour là un caractère exceptionnel dans la lutte pour un Vietnam qui se voudrait respectueux des droits de l’homme et démocratique.

Avec une affluence rarement vue depuis des années, plus d’un demi-millier de Vietnamiens de différentes associations venues du monde entier et d’Europe se sont rassemblés ce jour afin d’élever leurs revendications communes pour le respect des droits de l’homme et protester contre les mensonges éhontés du rapport que le régime communiste vietnamien présente au même moment dans l’enceinte des Nations-Unies. Organisée par l’Association des Vietnamiens de Lausanne (HNVQG Lausanne) et par le Comité Suisse-Vietnam COSUNAM avec le concours de 32 organisations vietnamiennes internationales, la manifestation s’est déroulée avec une belle envergure d’organisation malgré la modeste échelle de la Suisse dans le monde.

Un jour auparavant, le lundi 21 janvier, au Conseil Oecuménique des Eglises, un débat bien mené par le parti pour la Réforme Viêt Tân intitulé «Stoppez la répression» suivie d’une conférence de presse a su mobiliser pendant 2 heures de temps les médias suisses ainsi que nombre de représentants d’ONG spécialisés. On notera la présence de personnalités politiques suisses comme les députés Anne Marie von Arx et Rolin Wavre tout comme celle d’anciens prisonniers de conscience (l’avocat Nguyen Van Dai, le professeur Pham Minh Hoang et l’animateur social Dang Xuân Diêu) et surtout la venue surprise en provenance du Vietnam d’épouses et de fils de détenus politiques actuels comme Mmes Lê Dinh Luong, Truong Minh Duc et M. Nguyen Trung Tôn, membres de Fraternité pour la Démocratie. Leurs témoignages factuels ont ému la soixantaine de participants de la conférence et renforcé considérablement devant l’opinion publique la véracité des violations répétées et systématiques des droits de l’homme commises par le régime politique vietnamien.

Pour animer ces deux jours de rassemblement à Genève, le comité d’organisation a aussi organisé une belle soirée artistique sous le thème de «Chantons pour nos compatriotes». Rassemblant une palette d’artistes engagées comme la célèbre chanteuse Nguyêt Anh venue des Etats-Unis, Anh Chi de Paris, Jazzy Da Lam d'Allemagne, ainsi que d’autres artistes bénévoles des communautés vietnamiennes, la soirée s’est déroulée dans une ambiance conviviale et chaleureuse, ponctuée de chansons patriotiques.

Vers midi le mardi 22 janvier, alors que les 1ers rayons de soleil percent la grisaille du ciel et illuminent le parvis de la Place des Nations et la fameuse chaise brisée, les 1ers groupes de manifestants font leur apparition, portant haut et fièrement une marée de drapeaux jaunes aux trois bandes rouges, symbole du Vietnam libre. Déjà, ici et là résonnent les mélodies et les prières ferventes sur toute la place. A 14 heures précises, au moment même où est lu le rapport mensonger et hypocrite de la délégation gouvernementale du Vietnam devant l’assemblée des Nations-Unies, le demi-millier de Vietnamiens rassemblé devant la place commence à manifester haut et fort leur réprobation. Après une cérémonie symbolique de l’encens et de mémoire, se succèdent les allocutions des représentants d’associations venus de tous les horizons. Slogans d’espoir et chansons d’amour pour la patrie continuent ensuite à animer la place après 2 heures de manifestation.

Reprenons le message de Mme Anne Marie von Arx :  " Notre voeu est que cet élan de solidarité de la communauté vietnamienne d’outre-mer soit bien reçu par les citoyens du Vietnam et qu’ils se sentent soutenus dans le monde. Le rassemblement de ce jour se veut aussi une réponse cinglante et mémorable aux mensonges du régime sur la situation des droits de l’homme au Vietnam".

Avec la bénédiction du Ciel qui a réservé ce jour là aux manifestants une belle journée chaude et ensoleillée à la Place des Nations malgré un hiver rigoureux.

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UPR 2019 Droits de l'homme au Vietnam / Les medias suisses en parlent

Genève à chaud, les Vietnamiens de Suisse

et le Cosunam

https://www.youtube.com/watch?v=p_H5aRcU_NA&t=28s

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Droits humains en examen

Achille Karangwa / 25 janvier 2019

Le troisième cycle de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme met Hanoï au centre des critiques. Une manifestation a eu lieu à Genève le 22 janvier.

Le Vietnam est sous pression concernant son respect des droits humains. Lundi, une coalition d’ONG, telles que le Comité Suisse Vietnam (Cosunam) et Viet Tan, dénonçaient les manquements de la République. Mardi, alors que l’Examen périodique universel (EPU) du pays débutait aux Nations Unies, 500 personnes manifestaient au Palais des Nations, à Genève. Le rapport des résultats de l’examen est attendu pour vendredi.


C’est la troisième fois que le Vietnam fait l’objet d’un tel rapport, le dernier EPU remontant à 2014. Le pays avait fait l’objet de 227 recommandations d’amélioration. Aujourd’hui, si Hanoï assure tenir ses engagements, les défenseurs des droits humains ne sont pas convaincus. «C’est largement superficiel, la police continue de passer à tabac des militants pacifiques», s’insurge Duy Hoang, porte-parole de Viet Tan. Pour Jade Dussart, responsable Asie de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), «la liberté de la presse a été restreinte depuis le dernier cycle de l’EPU». En cause, une loi sur la cybersécurité entrée en vigueur ce mois et qui, selon l’activiste, «impose aux plateformes de type GAFA de censurer tout contenu jugé litigieux par le gouvernement, de stocker les données des utilisateurs sur le sol vietnamien et de les livrer à la demande des autorités.»

Le député genevois Rolin Wavre (PLR), président de Cosunam et présent à la manifestation de mardi, abonde: «Le rapport que nous avons remis contient 450 cas documentés de per- sonnes menacées ou détenues pour délits d’opinion. Je ne vois pas quelles mesures les autorités ont vraiment appliqué.» Le vice-ministre des Affaires étrangères, Lê Hoài Trung, assure pourtant que le pays met en place 175 des 182 recommandations acceptées. «Le Code pénal et le Code de procédure criminelle ont été amendés. Mais l’article 109 prévoit des peines pouvant aller jusqu’à la peine de mort», répond Jade Dussart. L’article 117 réprime lui la «propagande contre l’Etat.»


Daniel Bastard, de Reporters sans frontières, estime que si le pays a fait progresser les droits des personnes LG- BTIQ en légalisant le mariage, «plus de 25 blogueurs et journalistes croupissent en prison». La coalition d’ONG dénonce une vague de répression d’op- posants politiques depuis 2016; elle réclame l’abrogation de toutes les lois restreignant les droits politiques et la libération des opposants.

Duy Hoang de Viet Tân note toutefois que l’EPU 2019 représente un pas dans la bonne direction: la pression internationale porte selon lui ses fruits car le gouvernement est désormais plus sensible aux critiques.

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SHADOW REPORT

A l'occasion de la 125ème session du Haut-Commissariat des Droits de l'homme les 11 et 12 mars prochain au palais Wilson à Genève , le Comité Suisse-Vietnam, le Parti pour la Réforme du Vietnam ainsi que diverses associations de défense des droits de l'homme vont exposer au public le Shadow Report II.

C'est un document qui donne un aperçu de l'état réel au Vietnam des actes de violence délibérés par les forces de sécurité, à l'encontre, de civils innocents, reflétant une politique ordonnée et endossée par les plus hautes autorités du Vietnam.
Ces cas sont souvent inconnus ou mal connus des NGO de Défense des Droits de l'Homme ou du public, car les victimes ne sont pas des personnalités connues comme les dissidents, les démocrates, mais de simples citoyens.

Le Shadow Report présente des centaines de cas documentés avec de nombreuses références vietnamiennes et étrangères.

Les hauts responsables du Parti Communiste Vietnamien (PCV), donneurs d'ordre et responsables de ces actes ont été cités avec leur données personnelles provenant de sources publiques (photos, adresses, téléphone, fonction,..).

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Contre ses citoyens, le Vietnam tisse sa Toile

Par Arnaud Vaulerin LIBERATION  25 février 2019

Depuis deux ans, la répression de Hanoi contre les voix dissidentes sur Internet s’est accentuée. Une tendance qui risque de se confirmer en 2019 avec l’entrée en vigueur d’une loi qui verrouille l’activité sur les réseaux sociaux, prisés par la population.

Les uns sont convoqués et questionnés. Les autres sont arrêtés. Les derniers sont condamnés. Quand ils ne sont pas portés disparus. Ils sont blogueur, ouvrier, militant, journaliste, étudiant, vétéran de guerre, chauffeur, parfois même simple internaute ou utilisateur de Facebook… et tous sont dans le viseur des autorités vietnamiennes. Le Parti communiste n’a jamais molli dans le harcèlement à l’encontre des voix dissidentes et critiques, mais ces deux dernières années, la répression s’est intensifiée. Selon le réseau des droits de l’homme du Vietnam basé en Californie, le régime de Hanoi détient plus de 200 prisonniers politiques dans ses geôles.

Le sort de certains d’entre eux est jugé suffisamment grave pour que leurs cas s’invitent (timidement) dans les négociations (qui piétinent) entre l’Union européenne et le Vietnam sur un accord de libre-échange. Le 1er février, dans une lettre ouverte, neuf eurodéputés ont interpellé le président du Vietnam, Nguyen Phu Trong, lui demandant de libérer Hoang Duc Binh (n° 13), un militant des droits de l’homme à la santé déclinante condamné en 2018 à quatorze ans de prison.

D’autres activistes ont écopé de très lourdes peines. C’est le cas de Le Dinh Luong, blogueur de 52 ans condamné à vingt ans de prison en août pour «tentative de renversement de l’Etat». Ce militant prodémocratie, un vétéran, était venu en aide aux familles victimes de la vaste pollution provoquée par l’aciérie taïwanaise Formosa dans le centre du pays en 2016, et avait appelé à manifester contre l’entreprise. Or les autorités ont tout fait pour mettre sous le boisseau ce scandale économique et sanitaire qu’elles n’arrivent pas à gérer.

Le régime s’est doté d’un arsenal policier efficace en ligne

«Si le régime se sent très fort à l’étranger, il se sait très faible vis-à-vis de sa population, juge Vo Tran Nhat, secrétaire exécutif du Comité Vietnam pour la défense des droits de l’homme (VCHR) en France. C’est pour cela qu’il frappe plus fort contre ses citoyens. Depuis deux ans, les incriminations et les cas sont de plus en plus nombreux et les peines de plus en plus lourdes.» Sans parler des passages à tabac, des tortures et des pressions psychologiques tous azimuts qui accompagnent les sanctions judiciaires.

Et tout laisse penser que 2019 s’inscrira dans cette tendance. Depuis que la loi sur la cybersécurité est en entrée en vigueur le 1er janvier, les internautes sont encore plus dans le viseur. Certains ont été interrogés, intimidés et arrêtés. Ce texte, qui fait l’objet de nombreuses critiques, vise à verrouiller l’activité sur les réseaux sociaux - un espace relativement ouvert, il y a peu encore, dans un pays de 96 millions d’habitants qui compte près de 64 millions de citoyens connectés. Ainsi, en 2016 et 2017, Facebook était devenu le porte-voix d’habitants, de victimes de la catastrophe de Formosa qui, photos, vidéos et posts à l’appui, ont largement documenté le désastre. Mais dorénavant, les plateformes du Web ont vingt-quatre heures pour retirer des publications considérées par le gouvernement comme une «atteinte à la sécurité» de l’Etat, au «drapeau» ou aux «héros» nationaux. «Mais tout cela reste très opaque. Qui décide et surtout comment le gouvernement a-t-il accès aux données des utilisateurs ? interroge Jade Dussart, responsable du programme Asie au sein de l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat). Il exige que les fournisseurs d’accès et les Gafa lui remettent des contenus jugés illégaux et que leurs serveurs soient hébergés sur le sol vietnamien, et non plus à Singapour ou à Hongkong.

 

A Reporters sans frontière, Daniel Bastard parle d’une «zone grise». Et rappelle que Facebook (58 millions de comptes au Vietnam) a «un an pour installer ses serveurs au Vietnam et se conformer à la loi du régime. Nous faisons un plaidoyer auprès de Facebook pour qu’il ne cède pas. Les Gafa risquent gros en termes d’image et l’économie vietnamienne a tout à perdre avec cette loi». Le régime s’est doté d’un arsenal policier efficace en ligne. «Déjà, dans les années 2011-2012, Hanoi avait créé le département A68 pour contrôler Internet», poursuit Vo Tran Nhat du VCHR. Fin 2017, Hanoi a beaucoup communiqué lors de la création de la Force 47, une unité de 10 000 cybermilitaires chargés de traquer les abus et les «forces réactionnaires et hostiles», selon les termes de Nguyen Phu Trong, qui porte aussi la casquette du secrétaire général du PC vietnamien.

«Tout cela donne l’impression que Google et Facebook sont des collaborateurs du régime communiste, dit Vo Tran Nhat. C’est terrible. Et le fait que le pouvoir vietnamien communique sur la Force 47 montre qu’il est en conflit avec sa population. Dans le fond, il n’arrive pas à sortir d’une logique de guerre. Car tout ce qui se passe sur Facebook lui fait peur.» Manifestation contre Formosa, relations tendues - sinon schizophréniques - avec la Chine, arbres abattus à Hanoi… Les réseaux sociaux ont souvent été le cœur militant, l’agora numérique d’une société civile vivace mais sous pression.

Selon les autorités, il n’y a pas de «prisonniers politiques au Vietnam, que des gens qui violent la loi»

Ce n’est pas un hasard si la loi sur la cybersécurité proscrit les appels à manifester, qui n’ont pas manqué l’an passé. Des Vietnamiens, déjà opposés au texte sur Internet, sont descendus dans la rue pour critiquer un projet de loi visant à faciliter les investissements étrangers dans les zones économiques spéciales. Tous redoutaient une nouvelle mainmise du grand frère chinois, une influence néfaste sur l’économie, l’environnement, alors que les conflits territoriaux, les différends historiques et les relations commerciales sont teintés de reproches et de rivalités depuis des décennies. La police est descendue en force dans les rues des villes où la colère grondait. Arrestations, condamnations, répression : Hanoi a pris pour cibles des membres d’organisations jugées «illégales», «menant des activités de sabotage» : Brotherhood for Democracy, Viet Tan, Hien Phap Group, Mouvement national pour faire revivre le Vietnam…

Le régime se raidit de plus en plus depuis 2016. Cette année-là, au terme du 12e congrès du Parti communiste vietnamien, une équipe dirigeante plus intransigeante et conservatrice a pris les rênes. «C’est une faction beaucoup plus dure, militariste, proche de la Chine qui décide», note Vo Tran Nhat. Un «facteur exogène explique aussi ce raidissement, analyse Daniel Bastard de RSF. Alors qu’Obama avait tendu la main au pouvoir vietnamien, notamment avec le partenariat transpacifique (TPP), Trump s’en est retiré et affiche son mépris envers les droits de l’homme».

Ce retrait américain a désinhibé les régimes autoritaires de la région. Hormis la Malaisie, qui connaît une réelle alternance, les atteintes à la presse et la répression contre les sociétés civiles se multiplient, la Chine montrant la voie. Dès lors, Hanoi n’a eu aucun scrupule à déclarer que la défense des droits de l’homme et de l’Etat de droit était sa «top priorité». C’est en ces termes que le vice-ministre vietnamien des Affaires étrangères, Le Hoai Trung, est intervenu fin janvier à la 32e session du Conseil des droits de l’homme à Genève, qui examinait la situation de son pays. Trung a rappelé que Hanoi avait réalisé 175 des 182 recommandations formulées en 2014 lors du précédent examen. Et notamment un toilettage du code pénal qui a consisté en partie à donner de nouveaux numéros à des articles de loi jugés liberticides et non conformes aux normes internationales. Et pour le reste à ajouter de nouveaux crimes. Toujours au nom de la «sécurité nationale». Car, selon les autorités, il n’y a pas de «prisonniers politiques au Vietnam, que des gens qui violent la loi».

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